Source : francemusique.fr

Présent au colloque international de Dijon consacré au pouvoir de la musique sur le cerveau, Gérard Mick, neurologue et neurobiologiste au Centre Hospitalier de Voiron (nord de Grenoble) et consultant au centre neurologique de Lyon, défendra et expliquera son travail mené auprès de patients atteints des maladies d’Alzheimer et de Parkinson.

Le neurologue et neurobiologiste Gérard Mick estime que la musique permet d’améliorer considérablement la qualité de vie des patients. (Guillaume Decalf/France Musique)

France Musique : La musique peut-elle avoir un réel impact sur les personnes souffrant de maladies neurodégénératives ?

Gérard Mick : En ce qui concerne les malades d’Alzheimer, on remarque des effets relaxants chez ceux qui sont agités. Si on leur fait écouter une musique qu’ils connaissent ou qu’ils ont déjà joué entre 20 et 40 ans, ça les stimule et ça modifie leur comportement. C’est très bénéfique dans les centres où certains patients peuvent être agressifs, gênent les autres et le personnel. Il suffit simplement de leur diffuser un morceau, ils vont tous s’agréger autour de l’endroit d’où provient le son et ils se calment, certains se mettent à danser.

Grâce à la musique, on retrouve une cohésion sociale et l’art de vivre ensemble. La plupart du temps, elle permet de traiter des troubles comportementaux et également de ressourcer, de remobiliser des gens qui ont perdu la communication ou le mouvement.
Même si ces effets sont transitoires et se font sentir au moment où la musique est diffusée, nous avons la possibilité de les répéter à l’envie. Ces effets ont un grand impact émotionnel, car les gens se souviennent de ces morceaux et des moments importants de leur vie.

Les personnes souffrant d’Alzheimer n’ont pas perdu toute leur mémoire, généralement ils se souviennent des souvenirs de leur jeunesse. Et grâce à la musique on peut les remobiliser. D’une certaine manière, on peut réussir à faire « revivre » ces personnes, notamment lorsqu’ils ont perdu une certaine communication et lorsqu’ils ne sont plus capables d’avoir des émotions spontanées.

Le fameux adage : « La musique adoucit les mœurs » est donc prouvé ?

Et j’irai encore plus loin en affirmant que la musique peut aussi adoucir la douleur. Notamment chez les patients atteints de douleurs chroniques, c’est-à-dire qui souffrent de polytraumatismes et dont la douleur dure plus de trois mois. Lorsqu’on a mal, nous ressentons une émotion fortement négative. Le plaisir de la musique est généralement perçu comme une émotion très positive.

Nous demandons aux patients quels sont leurs morceaux préférés et grâce à ça nous pouvons contrebalancer cet état négatif et aider à combattre la douleur. Nous ne leur proposons que lorsqu’ils en ont envie et qu’ils pensent que cela peut réduire leur douleur ou calmer les angoisses de l’arrivée de la douleur, d’utiliser la musique comme si vous l’écoutiez chez vous pour vous faire plaisir.

Et les résultats sont assez bluffants. Quand quelqu’un souffre en permanence et qu’il peut accéder à des instants d’accalmie, c’est très positif et très facilitateur pour recouvrer la santé. Et il n’y a que des avantages : pas d’effet secondaire, simple à utiliser parce que les gens écoutent ce qu’ils aiment. C’est donc très individualisé. Et pour ceux qui sont musiciens professionnels ou amateurs, c’est encore plus fort. Ca les stimule pour retrouver un projet de vie et aller de l’avant.

On passe de la souffrance à l’hédonisme. C’est l’un des pouvoirs très puissant de la musique, c’est un élément à la fois distractif, émotionnellement très signifiant et remobilisateur. Avec la musique, nous sommes donc en mesure d’améliorer la qualité de vie des gens.

Qu’est –ce qui vous a poussé à vous intéresser à ce pouvoir de la musique chez les malades ?

C’est aussi simple que le raisonnement de n’importe quel mélomane. Quand on sait à quel point la musique peut nous procurer des émotions fortes, du plaisir, des frissons, on se dit que le pouvoir de l’écoute musicale est merveilleux. De plus, j’ai eu la chance de pratiquer la musique depuis mon plus jeune âge, et lorsqu’on peut jouer avec des gens, et communiquer par ce biais avec eux, l’impact de la musique est encore plus saisissant.

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